« ATAYA BISSAP », motif de retrouvailles ou outil de drague ?
Le jus de « bissap » est la boisson locale
par excellence du Sénégal, en concurrence avec le jus de « bouye » et
le jus de gingembre ou encore le jus de « bissap blanc ». Très
souvent servi dans les maisons, les restaurants
ou lors des grands évènements, il représente le must-drink des sénégalais. Le
bissap est de plus en plus transformé de façons variées mais celle qui nous
intéresse est le « ataya bissap ». Et oui, le célèbre « ataya »
qui nous a été transmis par la communauté maghrébine à base de thé vert de
chine et de jasmin mais qui est préparé ici avec la fleur du bissap rouge. Très
peu connu du commun des sénégalais, il est le thé par excellence pour les
étudiants, chacun y apportant sa touche personnelle.
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CP. Plume Noire |
Petit rappel sur ses origines
Plus connu dans nos régions sous le nom de
« bissap », la fleur d’hibiscus ou « oseille de Guinée » est une
plante herbacée qui se décline sous 30000 variétés différentes. La plus connue
de ces dernières est la fleur d’hibiscus, de son vrai nom « Hibiscus sabdariffa
». Les fleurs de cet hibiscus sont de couleur rouge pourpre et une fois
séchées, se consomment de diverses manières. Le jus « bissap »
(infusion de fleur d’hibiscus) est sa transformation la plus connue et on lui
attribue un grand nombre de vertus tel que la lutte contre l’anémie,
l’hypertension, les douleurs menstruelles, la constipation, et représente une
véritable source d’énergie.
Quant au « ataya bissap », ses origines
seraient situées dans les environs de la région de Kaolack du Sénégal. Certains
habitants possédant des champs de fleur d’hibiscus profitaient des périodes de
récolte pour extraire le délicieux nectar de bissap. Serait-ce donc les
étudiants Kaolackois qui l’auraient introduit dans les campus
universitaires ? Mystère à encore élucider.
Intégration des « bleus », moyen de
retrouvailles
Une étude au sein du campus social nous a révélé que
70% des étudiants ne connaissaient pas le « ataya bissap » avant d’arriver
à l’université et la majorité est représentée par les jeunes filles. Les
anciens le présente avec fierté aux nouveaux arrivés en guise d’intégration
dans la vie sociale et estudiantine. Généralement, préparé avant les matchs de
foot (15H-16H) ou après le diner (21H-22H),
le « ataya » a longtemps été un moyen pour les sénégalais de
se retrouver pour débattre sur des sujets politiques, discuter sur le quotidien
ou tout simplement digérer du bon riz à la viande du midi. Pour les étudiants,
le « ataya bissap » sert à rassembler les amis, passer du temps avec
les camarades pendant les révisions, montrer que l’on fait le meilleur bissap
du groupe. La solidarité estudiantine veut également que les anciens intègrent
les nouveaux comme il se doit, du bizutage aux conseils de
survie en passant par la découverte des habitudes du campus. C’est pourquoi les
anciens (ances) n’hésitent pas à inviter les novices pour leur donner de
précieux conseils qui les aideront à vite s’habituer et les mettre en garde par
rapport aux réalités sociales du campus. Quoi de mieux qu’un service de
« ataya bissap » pour accompagner le tout.
Technique de drague très efficace !
Le « ataya bissap » est une boisson très
adulée de la gente féminine. La plupart d’entre elles ont découvert son
existence avec surprise et une grosse envie d’y gouter. Effectivement, dès leur
arrivée au campus, les jeunes filles se voient courtisées de plusieurs
manières, et celle qui s’est avérée la plus efficace demeure l’invitation au « ataya
bissap », invitation rarement déclinée, d’ailleurs. Il est vrai qu’il a un
côté irrésistible avec sa couleur rouge bordeaux, son soupçon d’acidité
surplombé d’une légère mousse rosâtre et son goût qui sait éveiller les sens.
Conscients de cela, les étudiants prétexteraient la préparation du « ataya
bissap » pour inviter une ou des jeunes filles qui les intéressent afin de
faire plus ample connaissance et avoir l’occasion de leur faire part de leurs
sentiments et intentions. Et oui, la chasse aux « bleuz est une
réalité ». Mais encore, la femme dans sa finesse et sa délicatesse n’est
pas une adepte des boissons fortes tel le corsé « lewel » des hommes,
il est donc de leur avantage de servir quelque chose de moins agressif, d’où la
requête au « ataya bissap ». La routine est devenue telle que ce sont
les filles maintenant qui réclament vivement une invitation spéciale « ataya
bissap ». Kosso, étudiant en première année à l’UFR des Langues et
Sciences Humaines, nous le confirme : « entre
garçons, nous nous cotisions
quelques tickets bleus et rouge pour pouvoir inviter les filles de notre classe
à venir boire du « ataya bissap » avec nous, à la longue ce sont
elles qui venaient nous demander d’en faire pour elles… ». Ce qui nous
ramènerait à nous demander si ce sont les messieurs qui cherchent à draguer les
jeunes filles ou si ce sont elles qui veulent se faire courtiser.
Plume
Noire
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